Une histoire de voix : Stéphane, Bruno, Dominique, Edouard et Claude, les voix des Français entendues chez 366 (un compte rendu partial et partiel)

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Jeudi 4 mars 2020, la régie 366 présentait son nouvel opus de connaissance sur la société française (le 5ème) : Françaises, Français etc… : Raisons d’être.

Pourquoi parlons-nous de voix ?

Au sens premier du terme, nous devons l’avouer, nous sommes à classer dans la catégorie de « fan absolue » de la voix grave d’Edouard Lecerf, DGA BVA (vous lisez un compte rendu partial !). Vous ajoutez à celle-ci, la voix chaude de Claude Askolovitch qui nous « berce » (quoique…) le matin, sur France Inter pour sa revue de presse ou nous « calme » (quoique…) pendant le « 27 minutes » d’Arte le soir (Ah la voix d’Elisabeth Quin !). Et, encore, la voix posée et maîtrisée de Dominique Lévy, DGA de BVA, se fit entendre. Vous avez alors tout, pour vous sentir bien dans les fauteuils du MK2 Grand Palais (très garnis malgré le covid19 !).

Vous pouvez nous dire, certes les voix sont belles mais si c’est pour raconter des fadaises… Eh bien NON, toutes ces voix tenaient des propos très intéressants sur ce que nous sommes nous, les Français, et, en termes gaulliens, elles étaient, en quelque sorte, la voix de la France d’aujourd’hui en 2020.

L’alternance de voix avait un grand sens

Edouard Lecerf présentait 10 grandes tendances sociétales et Dominique Levy parlait des conséquences pour les marques et leur communication. C’est cela qui a démarqué cette présentation d’une Xième conférence sur des tendances trop souvent hors sol. Le principe de croiser le regard était vital car « les entreprises deviennent des acteurs politiques, la raison d’être qu’elles ont ou veulent avoir, c’est s’intéresser au politique voire à la politique »

Et 366 dans tout cela ?

Nous ne vous avons pas parlé de 2 autres voix, celles de 2 hommes heureux !

L’un était Stéphane Delaporte (DG 366), qui a montré, avec joie et confiance, les progrès business de sa régie (plus 13% de CA) ! L’autre, Bruno Ricard (DGA 366) était content de montrer une méthodologie innovante et intéressante. Il avait de quoi !

  • Un travail de planning stratégique avec toutes les équipes de BVA (pas seulement l’opinion !) qui remplace le travail fait avec Kantar les années précédentes.
  • Une enquête auprès de 3 000 français avec son panel propriétaire pour valider ou non les tendances.
  • Une analyse sémantique à la fois « quantitative » et « qualitative » (avec Synomia) des mots utilisés dans les articles publiés en PQR depuis 10 ans avec leurs trajectoires temporelles. 110 000 articles, 33 000 milliards de mots ! Un régal ! Des cartes sémantiques associées aux 10 tendances.

Un exemple de trajectoire de mots

366 intelligence collective comptage mots dans PQR

En reprenant tous les mots présents dans le livre remis à la fin de la présentation, voici 2 tiercés de mots :

  • les mots émergents les plus prononcés en 2019 : Gilets jaunes (256 551 articles), Réseaux sociaux (162 335), Colère (116 637 articles)
  • les mots émergents les moins prononcés en 2019 : Biodiversité en danger (156 articles), Nutri-score (270 articles), Dystopie (392 articles)

Un exemple de carte sémantique

 

Et Claude Askolovitch dans tout cela ?

Il fit une analyse superbe que nous résumerions (compte rendu partiel !) par la définition donnée de la PQR « ce n‘est pas une presse d’adhésion mais une presse d’adéquation, d’identification de vérités » Il nous a montré, à la fois par de grands moments de presse (chapeau pour l’article sur le lendemain de l’attentat de Strasbourg dans les DNA ou encore pour les commémorations de la guerre 14-18 dans le courrier Picard) ou par de grands moments de vie quotidienne relatés par d’autres titres, comment tout ceci faisait écho aux mots ou aux tendances évoqués.

 

Alors, ces 10 tendances ?

Elles ont été classées en 2 catégories

« Courts-circuits » regroupe 5 tendances (Radical, mille-feuilles, fake news, data, fin…) et les 5 autres (local, no norme, manimal, small is beautiful, sens du travail) en « circuits courts ». Cette catégorisation, au-delà du jeu de mot, est intéressante car elle oppose tout ce qui peut nous « faire disjoncter » par rapport à tout ce qui peut nous « rassembler ».

Nous vous proposons plusieurs versions de ces tendances,

  • l’ultra courte,
  • la courte,
  • la longue.

Pour les 2 dernières versions seront distingués le point de vue sociétal et celui sur la consommation.

Tendances version ultra-courte

Elle est un peu cavalière et ce sont nos mots…

« Ça craint un brin du coté sociétal mais il y a quand même du positif!

Les entreprises et les marques peuvent quand même s’en sortir en étant honnêtes et cohérentes à tous les niveaux et en faisant des choix. »

Tendances version courte

Société : Une société radicale en mille-feuillesles fake news deviennent des vérités alternatives nous annonçant la fin du monde ou des fins de mois difficiles. La solution ? Avec la génération no norme, interpellée dans son essence-même par le manimal, le local redonne son sens au travail et confirme l’adage small is beautiful.

Consommation : Pour les entreprises installées, la tentation du populisme de marque est une erreur car elles s’exposent au « dégagisme » de nouveaux acteurs, propres par nature car sans histoire. Les entreprises, les marques se doivent de choisir un territoire, une raison d’être, précise, porteuse de sens, s’y tenir et s’y conformer. Ce n’est pas simple car cela signifie faire des choix de terrain, de cibles, de messages, de supports et tout faire passer au crible de l’authenticité. La transparence, l’échange, la concertation, la conciliation sont les clés de leurs futurs.

Tendances version longue

1- Courts-circuits : Radical

Société : Nous le vivons tous les jours dans l’expression des uns et des autres sur les réseaux sociaux (phénomène de meutes digitales) mais aussi dans la vraie vie (gilets jaunes à l’Arc de triomphe…), c’est la violence, la radicalité qui prime et qui est revendiquée. 25% des français pensent que c’est un moyen comme un autre d’apporter des changements, 60% des Français n’ont pas confiance dans notre système politique, la démocratie …. Comment éviter la radicalité « de la base » : la concertation (il faut le souhaiter !)

Consommation : toutes les entreprises peuvent être prises en défaut sur leurs activités. Elles ont, très souvent, un décalage de cohérence entre le discours et les actes. Jouer le populisme de marque revient à s’exposer au dégagisme par ceux qui ne sont rien, de nouveaux acteurs, de nouvelles marques, nativement propres car sans histoire. Pour s’en sortir (peut-être), il est nécessaire de s’engager dans de la concertation, du dialogue et/ou de la consultation. Ex : Liebig et ses nouvelles recettes sans ….

2- Courts-circuits : Mille-feuilles

Société : Le roman national, La France, n’existe plus, chacun écrit sa propre page dans son coin. Les individus ont de plus en plus le sentiment d’être décalés par rapport à ce qu’ils entendent ou voient au « national ». Les gilets jaunes en sont l’expression. Ils sont en périphérie de cette France « nationale » et ont pensé qu’ils en étaient le centre. Nous avons bien une opposition entre ceux qui sont « de quelque part » et ceux qui sont « de partout », donc une nouvelle segmentation de la société française.

Consommation : « C’est quand on passe à la caisse que l’on voit ce que l’on vaut » (on parle de caisse de centres commerciaux, d’hypermarchés). C’est la consommation qui permet de se situer. On voit aujourd’hui, la distribution se positionner sur la justice et/ou la justesse pour retrouver une utilité sociale, une raison d’être. La société se fragmentant, l’entreprise doit-elle multiplier les cibles (les feuilles du mille-feuille) et les produits qui vont avec ou proposer un produit qui convient à tous (ex : Coca, La Poste) ?

3- Courts-circuits : Fake news

Société : Ah, une bonne nouvelle, elles n’existent plus ! Mais comme 73% des français pensent avoir été confrontés aux infox, en fait, ce ne sont plus des « fake news » mais des « vérités alternatives », des faits alternatifs comme l’a énoncé la conseillère de Trump à propos de l’utilisation de chiffres faux. Chacun a donc sa vérité. Tout ce qui est énoncé est filtré, analysé, soupçonné. Cela revient à polariser encore plus les publics et à fidéliser encore plus ceux qui sont en accord avec vous. Cette tendance est une « tendance lourde »

Consommation : il est extrêmement dur pour les marques d’assumer cette polarisation (sauf pour Fox news !!). Il est difficile de dire le « vrai » car, derrière, il se trouve toujours de la défiance. Yuka en est le meilleur exemple et son atout est de venir d’ailleurs, de nulle part. Les marques doivent alors rétablir la confiance et, pour ce faire, être intègre. Cette intégrité doit être tenue sur tous les points de sa marque, de son entreprise, par rapport à la mission, le brand purpose, que l’on porte, que l’on affiche. Ainsi « for all, for good » ce slogan peut être porté par le Pape mais quand c’est celui de BEL (c’est le cas) c’est largement plus compliqué car, à la fin, on fait du fromage ! (BVA a présenté à un forum IREP il y a quelques semaines, les résultats d’une étude sur la perception des « slogans » des marques ou groupes d’hygiène beauté. Les individus sont incapables d’attribuer quel que slogan que ce soit à qui que ce soit ou presque, tout se ressemblant et comme dirait l’autre, tout étant mou du genou). Il faut donc être réaliste dans ses promesses, clair dans ses messages, humble face au questionnement. Là encore, comme pour les précédentes tendances, plus on est petit et sans passé à assumer, plus il est facile de faire passer un message.

4- Courts-circuits : DATA OR NOT DATA

Société : sur les données personnelles, il se passe la même chose que sur l’environnement il y a quelques années. La tendance à vouloir stopper le flux de données n’a jamais été aussi importante (79% des Français sont inquiets quant à l’utilisation de leurs données par les GAFAM) mais personne ne fait rien ! Nous sommes dans le paradoxe entre la prise de conscience et l’usage. Une question se pose : à qui faire confiance pour tout organiser ? 54% des Français pensent déjà que les GAFAM ont plus de pouvoir que les Etats !

Consommation : Des opportunités de « new data deals » basées sur la réciprocité et la transparence peuvent être créées. Ex : Orange et son discours sur la responsabilité dans le numérique.

5- Courts-circuits : FIN DU MONDE OU FIN DE MOIS

Société : Le temps du réchauffement climatique crée une contraction temporelle. Nous sommes rattrapés par notre passé, nous devons changer le présent quand le futur nous arrive en pleine face ! A cet égard, les pouvoirs publics gèrent un sentiment d’urgence alors qu’ils sont là pour gérer le long terme. Et, l’autre élément temporel est le basculement de génération (OK boomer). Le vieil adage « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » doit être retourné en « si jeunesse pouvait, si vieillesse savait ».  Ceci peut se retrouver, peut-être, dans les résultats des élections.

Consommation : De nombreuses marques se sont saisies de cette fin du monde alors qu’elles sont emblématiques de la consommation qui menace la planète ! Elles sauvent en :

  • facilitant la conciliation (ex : les distributeurs médiateurs de la consommation responsable),
  • incitant à un usage responsable (ex : Air France, Orange)
  • réparant (ex : les principes de compensation ou de recyclage)
  • protégeant (animaux, végétaux, territoires…)

Mais, chez les plus jeunes, la tendance à consommer moins ou différemment s’installe.

Vous êtes toujours vivants, lecteur/trice ? Nous quittons les courts-circuits pour passer aux tendances des  circuits courts.

6- Circuits courts : PAS DE NORME

Société : Vive la différence ! Et c’est la différence qui est le standard. Tout est devenu acceptable. C’est dans le domaine, de la sexualité, du genre, de la famille que cette tendance s’exprime à fond. Ex : on ne naît pas femme, on le devient. On peut devenir ce que l’on veut. Ex : de LGBT on est passé à LGBTTQQIAAP (LGBT+). La tolérance, la bienveillance et l’inclusion sont fortement partagées dans les jeunes générations, au risque, parfois, d’une intolérance paradoxale.

Consommation : Que de micro-populations ! Sephora s’est engagé dans cette voie, s’adresser à toutes les formes de beauté, quelles qu’elles soient. Mais cela ne se limite pas aux différentes publicités en direction de chacune de ces cibles, cela va aussi jusqu’aux produits vendus, et aux vendeurs / vendeuses, très divers, présents dans ses magasins. L’intégralité de la chaîne de « production » étant en accord (intégrité) avec la vision, cela permet d’éviter le « diversity washing » que les jeunes générations sont à même d’activer. L’exercice est difficile car il faut accueillir les diversités mais ne s’en approprier aucune.

7- Circuits courts : MANIMAL

Société : Un clin d’œil de l’analyste politique : le vrai impact des élections européennes ce sont les 2 millions de Français qui ont voté pour les animaux ! Plus sérieusement, l’antispécisme devient important et pose la question de la place de l’homme, de son statut. Va-t-on vers le transhumanisme ou l’antispecisme ?

Consommation : très difficile de transposer cette tendance. Yves Rocher essaye de le faire.

8- Circuits courts : SENS DU TRAVAIL

Société : La distance est grande entre la façon dont un dirigeant et un salarié voient leur entreprise. On ne peut parler ici d’alignement des planètes ! La question de la réconciliation des points de vue au sein de l’entreprise sur le sens du travail et sur les missions de l’entreprise est un enjeu essentiel pour l’entreprise et ses salariés actuels et futurs.

Consommation : Une entreprise doit être cohérente dans ce qu’elle fait à l’intérieur et ce qu’elle dit à l’extérieur. Là encore, la mise en cohérence doit être la règle car elle est sous observation en permanence y compris par ses propres salariés.

9- Circuits courts : SMALL IS BEAUTIFUL

Société : Le grand, le puissant fait l’objet de défiance. Ce grand, ce puissant est, aussi bien, un homme politique, une entreprise, une marque. Le Maire de sa ville est à l’opposé de ce grand, ce puissant.

Consommation : les grandes marques se trouvent confrontées à de petites marques. Après la disruption digitale et l’arrivée de « pure players », on voit apparaître la « disruption responsable » qui bouscule les marques installées. Plutôt que de se laisser « manger », des grands groupes créent les petites marques de cette nouvelle disruption. Ex : L’Oréal avec le lancement de la Provencale Bio

10- Circuits courts : LE LOCAL

Nous faisons figurer les 10 tendances dans l’ordre où elles ont été présentées. Il est amusant de constater que celui-ci est un peu différent de celui figurant dans le livre remis à la fin de la présentation. Le local y figure en 6ème position (1er des circuits courts) alors qu’il est en 10ème, donc à la fin, de la présentation. Cela nous parait d’une logique totale quand on se nomme 366, régie des titres de PQR, dont le cheval de bataille constant depuis des lustres est la proximité, donc le local. Il lui fallait terminer la conférence par cette tendance qui lui est directement liée !

Sociologiquement : le local est devenu une manière de revendiquer, de se protéger, de cloisonner. Mais, c’est aussi une manière d’être plus actif, à côté de chez soi, d’être plus proche. L’opposition local vs global se retrouve dans l’authentique vs le standardisé, la sobriété vs le gaspillage, le responsable contre l’irresponsable.

Consommation : la revanche de la géographie sur l’histoire (pas faux !). Toutes les entreprises, les marques y vont ! On ne parle même pas de Mc Do dont l’engagement vers le local est une constante depuis de très nombreuses années. Les grands distributeurs jouent l’intégration verticale ou les alliances locales. Les marques du luxe y foncent aussi ! Ex : Guerlain et les 200 kg de miel des abeilles noires d’Ouessant pour une crème de soin anti-âge. Chanel qui rachète des artisans pour que des métiers d’art continuent d’exister). Les services ne sont pas en reste. Ex : La Poste acteur du lien social.

Merci 366!

2 Comments

  1. Catherine Goudounèche Basseto

    Merci Isabelle, un régal manifestement cette présentation !

    • Isabelle LE ROY

      Oui Catherine tres bien fait et restitué et les bouquins sont top!

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