Mois : mai 2019

Perdre la moitié de son CA pour … mieux : le cas SIRDATA

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Une première, dans tracks&facts, une interview de Benoît Oberlé, fondateur et CEO de SIRDATA (merci à Benoît Oberlé et Nathalie Harding pour ce moment).

  1. Les faits

2 étapes à cette baisse de 50% du CA

  • La première est arrivée le 1er janvier 2018 quand les annonceurs et leurs agences ont coupé leurs approvisionnements en données tierces, par précaution, en attendant des retours juridiques sur l’interprétation du RGPD (le Règlement Général pour la Protection des Données). Même si SIRDATA avait déjà entamé son processus de mise en conformité, le gros du flux d’information est passé à Zéro (pour un temps). D’où un certain chaos, pendant le 1er trimestre 2018, pour intégrer cet impact financier, rassurer (interne et externe) et voir les flux repartirent petit à petit, notamment, grâce à l’obtention du label ePrivacy seal, en avril 2018.
  • La seconde a été la mise en conformité du réseau SIRDATA. Là, il était nécessaire d’auditer, de vérifier la mise en oeuvre d’actions auprès des fournisseurs (une page de vie privée sur le site, une mention et un lien vers SIRDATA, l’affichage du bandeau cookie…). La conséquence a été la perte de 35% d’entre eux, ceux qui ne comprenaient pas que ce n’était pas un caprice de l’entreprise mais une nécessité légale. Dans cette étape, il a fallu aussi intégrer le choix de l’internaute, et donc de respecter une demande d’opposition pour obtenir un consentement valide.

 

« On est passé d’un monde où l’on pouvait tout faire sauf quand l’internaute disait STOP,

à un monde où l’on ne peut rien faire tant que l’internaute n’a pas dit OUI ».

  1. Pourquoi avoir choisi le consentement de l’internaute plutôt que l’intérêt légitime comme base légale?

Le consentement ou l’intérêt légitime sont des finalités permises par le règlement. Mais, quand la raison d’être de la société est la data, comme SIRDATA, on est exposé, les partenaires aussi, on ne peut, alors, prendre des risques. Benoît Oberlé a fait ce choix de la recherche de consentement car il n’avait pas le choix, tout simplement, quel qu’en soit son prix !

« Penser que la CNIL serait indulgente était et est une erreur »

Aujourd’hui, le marché est majoritairement dans la phase d’acceptation du consentement légitime. Les acteurs font désormais ce travail de conformité même s’il y a un manque à gagner.

  1. Quelles leçons de cette année 2018 ?

  • Une meilleure compréhension du marché et notamment la centralité du rôle des éditeurs.

“On sous-estime la pression sur leurs épaules et le sentiment d’isolement que peuvent
connaître certains de leurs collaborateurs coincés entre obligations réglementaires et impératifs
économiques.”

  • La compréhension juridique est l’autre leçon. Il fallait comprendre le texte juridique (jargon) mais aussi, et surtout, passer aux actions, comme être capable de paramétrer correctement des outils comme les CMP qui sont et restent des moyens de conformité et non des gages de conformité.

« Nous avons compris le lien entre le texte, l’objet du texte et la mise en musique du texte ».

  • Et d’un point de vue plus personnel, il a fallu apprendre à « parler » et à échanger avec l’industrie pour progresser.

« Mettre de l’eau dans son vin pour avancer, mettre en oeuvre sans renoncer à ses exigences ! »

  1. Les bénéfices de l’année 2018 ?

« Nous y avons gagné  quelques lettres de noblesse, sans être les seuls, bien sûr »

Ils sont nombreux!

Une équipe plus experte autour de la donnée, de la privacy et des services associés, soudée par ce choc de marché. Il a permis de montrer que le RGPD donne à l’utilisateur un contrôle, le droit à la portabilité de ses données. Ceci ne signifie pas la disparition du ciblage qu’il soit comportemental ou contextuel à des fins publicitaires.

Un élargissement de l’activité de plusieurs façons. Comme le marché évolue, il a fallu couvrir les SSP en plus des DSP.  Le second élargissement est, depuis 2018, de mettre à disposition en mode SaaS, son outil de traitement sémantique.

Une agilité face au processus légaux qui a permis des gains de parts de marché, de  nouveaux éditeurs,  une notoriété et une crédibilité marché supérieure, avec une implication plus  forte au sein de l’IAB France ou l’IAB Europe.

Mais surtout, l’entreprise a renforcé sa capacité à expliquer ses méthodes et outils. Elle propose de nouveaux produits ou services tels que l’intégration de la fonction conseil dans l’entreprise.  Enfin, une gestion d’entreprise saine avec un risque faible.

  1. Demain ?

a) e-privacy ?

La crainte qui plane sur le monde publicitaire, est celle d’une e-privacy DURE, soit le contrôle des cookies par le navigateur. Une mobilisation commune demeure impérative, c’est une question de survie et même de souveraineté.

Le marché doit montrer aux régulateurs qu’il sait s’organiser pour respecter la vie privée et qu’une régulation dure, sur ce point, n’est pas nécessaire. Que ce soit en France ou dans d’autres pays (Europe, USA, …), il semble y avoir une quasi-unanimité, non pas des positions encore, mais au moins sur l’objectif. La construction du TCF (Transparency Consent Framework) en est une et se doit d’apporter une réponse avant le texte.

« C’est la première vraie construction commune positive et ouverte que je vois en 20 ans de marché ».

b) L’avenir du third ?

L’avenir du 3rd? il faut élargir au 2nd, 1st car le consentement concerne tous les types de données!

De toute façon, cela passera par un point, le contrôle permis à l’utilisateur. Il faudra une génération pour que chacun comprenne ce qui se passe avec la data – une opportunité de new deal. Par exemple, il ne faut pas condamner la « cookie fatigue » : chaque bandeau d’information qui s’affiche participe à l’éducation des internautes, il faut qu’il y en ait jusqu’au jour où même l’utilisateur le plus prompt à passer ce type de message en prendra connaissance, puis en lira un autre. L’internaute qui contrôle et comprend ce qui se passe et les outils qu’il a à sa disposition, voici ce qui laissera aux acteurs du marché une chance de monétiser les données personnelles : s’il ne comprend pas…. ou ne peut pas contrôler dans le temps (nécessité d’un bouton “cookies” ou équivalent pour modifier ces choix à posteriori)…., le risque est que l’utilisateur dise non à tout, tout le temps

 

En conclusion, nous avons rencontré un entrepreneur qui a plus de cheveux blancs après une année 2018 compliquée et riche (nous n’avons pas parlé du contrôle fiscal intervenu aussi en 2018 avec comme résultat … aucun redressement) mais résolument optimiste quant à l’avenir de la publicité digitale et de son entreprise, cela fait plaisir !

KPIs : performance killed the branding star ou la démesure de la mesure

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tribune d’Olivier Goulet (iligo) et Isabelle Le Roy (tracks&facts) dans CB Expert (avril 2019) et intervention à l’IREP Forum de mai 2019

Le tube des Buggles en 1980 (« Video killed the radio star ») était pour le moins visionnaire, 25 ans avant la création de YouTube en 2005. Pour pasticher ce tube, la question se pose de savoir de savoir si la recherche de l’efficacité à court terme dans les actions de communication n’est pas en train de tuer la publicité elle-même.

Il existe un risque non négligeable. En voici les raisons.

DE LASCAUX A LIKE MOI

Le sens historique de la communication (qu’elle soit de marque, mais aussi d’opinion) était de construire des représentations symboliques qui puissent se transmettre aux et entre individus. Les peintures de l’art pariétal, encore visible à Lascaux, poursuivaient probablement cette fonction. Au XXème siècle, l’application de cette fonction a conduit à la création de marques fortes, d’institutions fortes. Conséquemment, la chose publicitaire devait bâtir des marques et des institutions puissantes basées sur des socles rationnels ou symboliques solides. La mesure de l’efficacité de la publicité était alors de comprendre comment la marque construisait un positionnement, une image, suffisamment fortes pour justifier des actions de la part des individus (à savoir, des ventes, des souscriptions, etc.). Un certain âge d’or de la communication était né.
Et internet, le digital, arriva.

L’accélération du temps, la fascination de la traçabilité et du chiffre changea les sens et l’essence même de la communication. Ce qui est dorénavant recherché, c’est l’effet court terme de l’action.

Combien de likes, quasi minute par minute, combien d’impressions, combien de ventes idéalement dans l’instant. Et la mesure de l’efficacité de « dériver » fortement du branding vers le selling, la performance
Quel est l’intérêt de mesurer la construction de la marque ou de l’institution? Il faut mesurer si elles sont achetées, utilisées à court terme.
C’est très louable, certes, mais cela suppose, quand même, que la marque a un fonds (de marque), une forme de construction de son positionnement qui précède la vente. En effet, on achète rarement quelque chose qu’on ne connaît pas et dont on n’a aucune connaissance fonctionnelle ou symbolique.
Et cela demande, surtout, de maîtriser le calcul du fameux R.O.I (Retour sur Investissement). Mais, si l’on veut que la mesure de l’efficacité fasse un lien avec les « ventes », il est nécessaire de rappeler quelques fondamentaux.

LE R.O.I EST NU      

Trois fondamentaux à rappeler sur ce fameux ROI.
1. La communication, même dans son acception « selling », ne sert pas qu’à générer des ventes supplémentaires (additionnelles, incrémentales), elle sert surtout, notamment dans les pays économiquement matures, à maintenir des ventes. Si l’on calcule uniquement l’«uplift », on nie le fait que, sans communication, les ventes auraient probablement décru.
2. La communication est financée par la marge des entreprises et non par le chiffre d’affaires. On voit très souvent des « best cases » (parfois récompensés dans des Prix d’ailleurs), montrer qu’avec une campagne, de 250 000 euros, par exemple, a généré 500 000 euros de ventes dites incrémentales. Un ROI de 2 dit-on ! Mais en fait non. Car si vous investissez 250 000 euros en communication avec une marge de 10%, c’est 2 500 000 ventes qu’il faut générer pour créer un ROI positif et 5 millions pour un ROI de 2. Combien de campagnes génèrent cela à court terme ? Une longue expérience nous fait affirmer : pratiquement aucune !
3. Comment, à quoi attribuer ces ventes « incrémentales » ? Une campagne, ce sont des centaines de prise de paroles. Tout doit-il être affecté au dernier contact ? Cela semble absurde (contestation du last clic par exemple…), et pourtant, c’est très souvent le choix effectué. Faut-il modéliser ? C’est beaucoup mieux, mais ne doit-on modéliser que les ventes à court terme.

BRAND WILL BE BACK 

Alors, faut-il être défaitiste et ne plus croire à l’efficacité de la communication ? NON !
Cependant, il faut rééquilibrer les choses et construire le BRANDING tout autant que le SELLING. Est-ce possible ? OUI ! Et ce n’est, d’ailleurs, pas nouveau. Nous faisons référence, par exemple, à un papier paru en 1999, dans, l’excellent déjà, CB NEWS où l’on montrait, une expérimentation avec le groupe TOTAL, qu’il était possible de croiser les données de ventes (SELLING) avec une mesure d’efficacité de la communication (BRANDING) sur la simple base d’un fichier client (déjà le « One to One »).
La solution est là : croiser, sur de mêmes individus, les datas enregistrées sur les ventes avec une mesure branding. C’est une manière supplémentaire de valoriser cette fameuse data. Cela nécessite, bien sûr, que l’annonceur dispose de données clients, mais c’est de plus en plus le cas grâce au digital. Et dans le cas contraire, il est possible de faire appel à des panels consommateurs existants.
Cette revalorisation de la marque, à l’heure du tout performance, est d’ailleurs urgente.

MORT AUX MARQUES FAIBLES ! 

Ne nous trompons pas de révolution digitale. Le search et les réseaux sociaux ont plus de dix ans. Google et Facebook sont devenus des acteurs majeurs du monde de la communication d’aujourd’hui. Mais, leurs modèles, bien que rupturistes, ne remettaient pas en cause les fondamentaux de la communication. Une marque faible avec quelques moyens pouvait émerger.

 

Tout ce qui arrive ou va arriver, que ce soit d’ordre technologique (IA, Voix, Virtuel, Crispr-Cas 9, Nano, 5G, Quantique…) ou sociétal (âge, urbanisation, temporalité…), est encore plus impactant. Nous connaissons aujourd’hui, en tant qu’individus, les bulles de pensée. Les marques demain, devront s’intégrer dans des bulles, des écosystèmes, de consommation dont elles ne seront pas maîtres. Dès lors, développer des marques fortes et mesurer leurs forces, tout autant matérielles, symboliques, que sociales, est crucial.

L’optimisation du SELLING est important, mais la communication ne peut se résumer à cela, sinon elle perdra, et son sens et sa légitimité.

Le monde vu par… (c’est beau)

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Le monde vu par Scott Reinhard en cliquant sur l’image ci-dessous