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Tel était l’objet du second petit déjeuner, organisé par l’IREP (que nous avions le plaisir d’animer). 

Nous avons accueilli, Dominique Cardon, un des plus grands sociologues mondiaux de l’ère du numérique.

Ce billet est le premier de 2 et reprend les propos de Dominique. Le second reprendra les propos de Yannick Carriou, CEO CXP Group.

« Un algorithme (mot arabe, IXème siècle) est une suite d’instructions réglées produisant un résultat. C’est dans le code informatique, mais ce n’est pas tout le code informatique. » Dominique Cardon Medialab Sciences Po.

Quelle vision de la société sort des calculs faits par les algorithmes ?

« La prédiction personnalisée est un vrai changement de paradigme » Dominique Cardon Medialab Sciences Po

Les algorithmes de classement de l’information sur le web ne sont qu’une petite partie des algorithmes qui existent mais sont intéressants par ce qu’ils montrent de notre société. Ils peuvent être classés en 4 familles qui sont, aujourd’hui, constamment coprésentes : popularité, autorité, réputation et prédiction.

 

  A côté Au-dessus Dans Au-dessous
Exemples Mediametrie // Net Ratings, Google Analytics, affichage publicitaire digital PageRank de GooglE, Digg, Wikipedia Nombre d’amis, Facebook, retweet de Twitter, notes et avis Recommandations Amazon, publicité comportementale
Données Vues Liens Likes Traces
Population Echantillon représentatif Vote censitaire, communautés Réseau social, affinitaire, déclaratif Comportements individuels implicites
Forme de calcul Vote Classements méritocratiques Benchmark Machine learning
Principe POPULARITE AUTORITE REPUTATION PREDICTION

In Dominique Cardon, A quoi rêvent les algorithmes, la république des idées, Seuil, 2015

Ce qui occupe le monde aujourd’hui, c’est la dernière famille, la prédiction personnalisée. Cette famille est un vrai changement de paradigme, de statistiques, des types de données mobilisées (données publiques, liens hypertexte, partages, like…). Ici, on utilise des données implicites, les traces des internautes, traces de navigation, géolocalisations, … tout ce que peuvent apporter les capteurs aujourd’hui.

Le mesureur dans cette classification ?

« Le rêve de Google a toujours été d’être invisible de l’internaute » Dominique Cardon, Medialab Sciences Po

Cette classification montre que la position du calculateur a, elle aussi, changé: « À côté » , « au-dessus » ,  « dedans » et « en-dessous »

Au-dessus

Le rêve de Google a toujours été d’être invisible de l’internaute (ne pas montrer les calculs) car il prétend mesurer des signaux et faire une prédiction à partir de signaux que les webmestres s’envoient entre eux (liens hypertexte) sans que les webmestres n’agissent en fonction de celui qui les observent du dessus.

Cette vision d’observation du monde (l’instrument qui observe, n’agit pas sur le monde qu’il mesure) est un peu naïve, car les webmestres agissent en fonction de l’instrument qui le mesure. La grande crise du PageRank en 2007-2012 vient de là (Pour compléter votre information voir ici )

« Dedans »

A l’opposé, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, …) qui sont DANS la donnée, ont montré les calculs et ont donné à TOUS la possibilité de calculer. Tout le monde peut agir et devenir stratège. La conséquence de ceci a été la forte baisse de qualité de la donnée (achat de faux likes…). Ce qui n’empêche pas les données des réseaux sociaux d’avoir d’autres significations.

« En dessous »

Comme la prévision ne fonctionne pas avec le web social (élections, succès commerciaux de films…), pourquoi ne pas aller chercher des traces en dessous, sous la conscience des utilisateurs ?

C’est le grand mouvement actuel dit « l’intelligence artificielle » (l’IA) qui, d’ailleurs, n’est pas de l’IA mais du machine learning. On peut régler les calculs d’une mesure en fonction d’un objectif supervisé qui est toujours une mesure d’utilité (« Qui passe le plus de temps à scroller la page FB » … « que l’on ait de l’up-selling dans la recommandation commerciale », « qui clique le premier », …). L’objectif sert à recalculer les paramètres des données qui vont être présentées de façon de plus en plus personnalisée à l’utilisateur.

C’est un nouveau régime qui se met en route, le calcul n’est plus le même pour tout le monde et le réglage du calcul ne se fait pas en fonction des intentions du calculateur mais en fonction des traces des individus.