Retour sur le « FUNGATE »: la mesure d’audience de la radio en France est obsolète.

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FUNGATE

Prise littéralement, cette expression est porteuse de plaisir et donne envie d’en savoir plus, hélas, la vérité n’a rien de fun et la porte qui s’est ouverte est celle des prétoires…

Bruno Guillon, animateur de la matinale de FUN RADIO aurait demandé (plus de 100 fois en quelques mois) à ses auditeurs de faire de fausses déclarations (« déclarez FUN ») à Mediametrie si jamais ils étaient interrogés par cet institut pour donner leur écoute de la radio.

Ses auditeurs lui ont obéi, la station a doublé sa durée d’écoute dans la dernière période disponible.

Cette affaire, qui a agité le paysage media depuis juin, a trouvé sa conclusion,le 21 septembre 2016, avec la condamnation de la station en question, entre autres.

Ceci met en évidence 4 points:

  • d’un point de vue médiaplanning: la répétition d’un message ça marche!
  • d’un point de vue contractuel: les juristes n’écoutent pas leur propre station, sans cela ils auraient arrêté rapidement l’animateur car il violait une clause contractuelle explicite entre la station et Médiamétrie.
  • d’un point de vue annonceur: la radio est efficace. On a un exemple typique d’action et réaction qui met en avant l’efficacité du media, s’il était nécessaire de le prouver encore.
  • d’un point de vue mesure: la mesure de la radio est obsolète.

Oui, elle est obsolète, quand on voit qu’un animateur, seul, peut influer sur les résultats dits d’audience et donc bouleverser un paysage média et remettre en cause des investissements d’annonceurs.

Alors, l’étude 126 00 radio est-elle vraiment une mesure d’audience (interrogation téléphonique de 126 000 individus, 13 ans & +, de septembre à juin sur leur écoute radio des dernières 24H00)?

 Non, c’est un mix entre une mesure d’habitudes et une mesure d’audience.

  • OUI, quand il y a des gros événements médiatiques on voit les chiffres bouger. C’est de l’audience!
  • OUI, quand une grille radio change, on voit les chiffres évoluer dans un sens ou l’autre. C’est de l’audience!
  • OUI, quand on jongle dans sa voiture avec les boutons de ses stations préférées, on oubliera d’en déclarer certaines. C’est une mesure d’habitudes!

A l’heure du numérique, où, par exemple, rien n’est plus facile que l’infidélité, doit-on avoir un media mesuré de telle façon? NON

D’un point de vue technique, les solutions existent!

C’est la mesure passive, où l’on mesure le comportement réel des individus (et non du déclaratif) grâce à un appareil qui enregistre (24/24/ 7/7)  le son autour d’eux.

Ce type de dispositif n’est pas une nouveauté:

  1. Il suffit de voir le nombre de pays qui ont basculé en mesure passive, le dernier en date est les Pays Bas. Vous pouvez cliquer ici vers le tableau du RAJAR, l’organisme qui gère l’audience de la radio au UK. Ce tableau date un peu (Pays Bas et Italie pas à jour) mais fait le point sur qui mesure, comment, et où dans un certain nombre de pays.
  2. Le système du port d’un pager de la société Arbitron a été testé au début des années 2000 par Mediamétrie en France et les résultats avaient été montrées de façon détaillée aux stations et de façon agrégée aux annonceurs et agences media (les radios musicales, les radios généralistes…)
  3. En 2012, lors d’un séminaire media de l’IREP, IPSOS (Jim Ford et Bruno Schmutz) présentaient « Mediacell, the smart measure » (audience mesurée via smartphone) et Médiamétrie (Arnaud Annebicque),  « la mesure automatique individuelle portée: avancement et perspective » (audience mesurée encore via un pager…).

Bon, alors, nous sommes en 2016 et rien n’a bougé, si ce ne sont des chiffres parce qu’un animateur a fait ce qu’il n’aurait pas du faire.

Pourquoi, rien n’a bougé? Un premier élément de réponse simple: qui dit changement de mesure dit changement de résultats et les principaux acteurs savent que le business publicitaire sera de facto modifié. Les rapports de force changeront, la façon d’acheter le media devra changer aussi. Il y a d’autres éléments de réponse mais ce sera pour une autre fois!

Tout ceci fait peur à un certain nombre d’acteurs publicitaires actuels, ce qui peut se comprendre, mais, de toute façon, ils seront obligés, à un moment ou un autre de le faire, car quand tout se digitalise, la radio ne peut être LE media à rester dans son coin.

Et vous, Mesdames et Messieurs les Annonceurs, vous n’aimeriez pas connaître les véritables comportements des auditeurs pour être précis et justes dans ce que vous faites acheter ?

Bon je retourne écouter

tsf-jazz

7 Comments

  1. Francois

    Bien dit ! non mais !
    Allez la Radio ! on se bouge un peu ! … on se réinvente ! et comme le dit Isabelle, tous les outils sont là…et depuis fort longtemps !

  2. Michel Colin

    Les articles sur ce sujets se multiplient ! Voici le mien: http://www.radiopub.fr/blog/2016/07/la-polemique-sur-les-audiences-eclaire-un-retard-technologique-des-radios-francaises/

    • Isabelle LE ROY

      comme quoi les grands esprits 🙂

  3. Hélène Haering

    Chère Isabelle,
    Oui, il est nécessaire de faire évoluer la mesure d’audience de la radio, et même de la réinventer pour prendre en compte tous les aspects, en particulier numériques, de l’ensemble du média audio.
    Si la mesure passive permet d’éviter les sur-déclarations, les oublis et les confusions, elle ne règle pas toutes les difficultés, dont celles de représentativité, d’exhaustivité et de coût. Sans parler des éléments humains que sont l’acceptation de participer à l’étude et la volonté de le faire honnêtement (autrement dit sans fraude)…
    Plus que jamais, la mesure d’audience se doit de reposer sur un consensus et de faire l’objet de contrôles externes.

    • Isabelle LE ROY

      Hello Hélène, quelle pub pour le CESP!
      je suis favorable non pas à la mesure avec un pager, qui fut innovante en son temps (il a 10 ans plus de 10 ans le PPM), mais à celle via smartphone, qui même si elle ne règle pas tout, lève au moins 2 obstacles que tu cites, représentativité (sauf les très vieux mais d etoute façon au télhpnoe ils n’entendent rien!! :-)) et acceptation!
      Je suis, par contre, tout à fait d’accord avec toi sur la prise en compte de tous les aspects de la radio. Tous les media le font et je ne suis pas certaine que la formulation « avez vous écouté la radio que ce soit chez vous en voiture sur internet ou ailleurs… » même si elle a du changer, mette assez l’accent sur tout le complément.
      Quant aux coûts, ma foi je serais curieuse de connaitre, les coûts que cela donne aujourd’hui vs il y a 15 ans!

  4. Yves-Marie Lemaître

    Merci Isabelle pour ce point clair et sans concession!
    Les mesures passives sont en effet les seules en mesure de donner une vision honnête des audiences (sans biais d’habitudes, voire d’orientation du sondeur). Tu as d’ailleurs oublié le précurseur en la matière, GfK, qui avait lancé la « media watch » en 2001 (info ici : https://www.mediapulse.ch/fr/radio/methode-de-recherche/la-technologie-de-mesure.html).
    Il me semble d’ailleurs que toutes les autres mesures de référence, d’audience, de diffusion ou de consommation au sens plus large, ont depuis longtemps fait leur révolution (et nous y avons contribué pour les panels dans les années 90, ce qui montre que ce n’est pas une nouveauté…).
    Allez, juste pour conclure sur un sourire: mon fils, qui écoute tous les matins « Bruno dans la radio » sur Fun, m’a regardé le jour où ce « scandale » a éclaté, et il m’a demandé pourquoi il n’y avait pas de mesure avec des montres, comme celle dont je lui avait parlé… Comme quoi…

    • Isabelle LE ROY

      Tu as raison Yves-Marie j’ai omis la mediawatch l’ancêtre de toutes les mesures d’audience radio! ton fils est mur pour les études modernes!

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