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Algorithmes du fantasme à la réalité -Petit dej IREP (septembre 2017) 2/2

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Si Dominique Cardon nous a apporté le coté théorique des algorithmes (voir billet précédent), Yannick Carriou (X, ENSAE, CEO CXP Group) nous a amené la réalité des algorithmes en entreprise, les implications marketing donc publicitaires.

Les mots clés: rendement, exosquelette, bolducisation des startups, tout un programme!

« Les entreprises regardent les algorithmes sous l’angle du rendement »

Yannick Carriou, CXP Group

 

« En entreprise, l’algorithme ne commence pas par le marketing»

Yannick Carriou, CXP Group

Pour les DG ou les DSI en entreprise, cette classification (celle du billet précédent) qui s’adresse à une petite partie des algorithmes, n’est pas totalement dans leurs esprits. Une entreprise regarde les algorithmes à l’aulne du rendement. Le marketing n’est alors pas concerné en premier lieu (sauf les sociétés web bien sûr), mais les machines (au sens industriel), elles le sont. Les entreprises font face à un vrai défi d’algorithmisation, de gestion des données. Elles ne voient pas le marketing en général, ou le web en particulier, comme le meilleur ratio entre la simplicité des solutions et le rendement immédiat.

Le changement de position du calculateur et l’entreprise ?

« La transformation digitale est une forme d’exosquelette construit autour des entreprises » Yannick Carriou, CXP Group

Une entreprise dont le modèle repose sur des données et sur son utilisation optimisée via des algorithmes, se sent en dépendance.

C’est vrai sur le web, puisque les calculateurs sont, en partie, à l’extérieur de l’activité de l’entreprise, mais c’est aussi vrai sur toute la chaîne. En effet, les algorithmes sont de plus en plus compliqués et de plus en plus « boîte noire » créant ainsi une autorité entre ceux qui savent ce qu’il y a dedans et ceux qui ne savent pas.

La transformation digitale est une forme d’exosquelette construit autour des entreprises. Elle génère des relations de dépendance, de stress, car, installer un exosquelette, signifie faire des choix, dans des architectures un peu compliquées, dans des algorithmes eux aussi complexes (ou plutôt choisir entre les différents discours de fournisseurs), et partir sur des engagements de long terme.

Si l’on revient à la position du calculateur, sa position est externe, un peu floue, un peu marketée et génère une grande incertitude sur la validité du choix.

Les sociétés d’études ? Ce ne sont pas des exosquelettes (à l’exception de la mesure d’audience), car les études tournent d’une société à l’autre, à un moment ou un autre. C’est d’ailleurs cela le problème des sociétés d’études, ce rapport d’autorité n’est pas installé à grand échelle, ni pérenne.

Le stress de l’entreprise, par rapport au calculateur, repose sur quelques questions : Où est-il ? Que fait-il ? Qui suis-je moi pour le contrôler ? D’où la tendance à se doter de calculateurs, les data scientists, mais cette tendance est encore minoritaire. La plupart font confiance à de systèmes packagés.

L’Intelligence Artificielle, le marketing, la publicité ?

« Le marketing est surement l’endroit le moins rentable pour de l’algorithmie, de l’intelligence artificielle » Yannick Carriou, CXP Group

Prenons l’exemple de l’achat d’une turbine à gaz. Le prix d’entrée est de 150 millions de dollars. La durée de vie d’une turbine est de 30 à 40 ans. Pendant cette période, elle va consommer à peu près 100 fois sa valeur. Un algorithme qui peut optimiser le rendement de cette turbine de 2%, a un impact financier colossal. Si vous optimisez votre campagne marketing de 2% c’est très bien mais quel est l’investissement que vous avez mis derrière ?  Il vaut mieux, alors, investir dans des algorithmes qui fournissent un rendement important. En marketing, la vraie difficulté est que l’on essaye d’optimiser un mécanisme non déterministe et l’on essaye d’optimiser un rendement qui est intrinsèquement faible.

Une expression pratique de l’algorithme est l’établissement de « dashboards » avec des « KPI ». Un KPI, on le sait tous, est sommaire, partiel et n’a jamais supprimé l’intelligence naturelle qui sait prendre des décisions sur des critères croisés. Ce qui est dangereux, c’est quand on met une « religiosité » derrière cette mécanique : l’IA, une force cachée. Certains acteurs ont intérêt à vendre cette abstraction, cette religiosité. J’ai vu des start-ups qui veulent réinventer des lois de la physique et font table rase de quelques siècles de théorie. Mais, elles passent la barre des DSI, des DG, car la machine est la seule à donner un sens à un fatras de données. Le KPI, dans ce cadre, devient mortel car on ne sait plus ce que c’est, plus le pourquoi mais on y croit très fort !

Si l’on se penche sur la publicité, dans le marketing, l’expérience utilisateur est un élément clé. Or, du point de vue de l’expérience utilisateur, les résultats de l’algorithme publicitaire ne sont pas fantastiques non plus. Le retargeting c’est très bien, mais voir pendant 10 jours le même produit que je viens d’acheter, c’est un peu gênant.

En fait, l’algorithme peut optimiser soit un résultat, soit les taches pour arriver à ce résultat. On ne parle plus de rendement alors mais de productivité. Le programmatique est typiquement l’exemple de la productivité et, ici, l’algorithme a du sens.

Intelligence Artificielle, Start-ups, qualité ?

« Les start-ups mettent un bolduc autour du R » Yannick Carriou, CXP Group

Statisticiens et Data scientists, c’est une évolution du même monde.

Si autrefois les statisticiens pratiquaient les statistiques avec des licences SAS qui coûtaient très chères, aujourd’hui, tout le mouvement sur l’analytics est basé sur le langage R.

Ce langage était limite de la société secrète il y a 15 ans ! Mais, avec le mouvement open-source, on accède aujourd’hui, facilement, à l’état de l’art sur l’analytics, l’IA… On a alors, beaucoup de startups en Analytics avec des individus brillants qui mettent un « bolduc » autour du R.

La bolducisation des start-ups, c’est mettre de l’assouplissant avec votre lessive pour que la serviette (Le R) soit un peu moins rêche !

Quel que soit le bolduc, il est nécessaire de se pencher sur la qualité des données que l’on a dans un DMP pour nourrir des processus d’Intelligence Artificielle. Aujourd’hui la qualité des données n’est pas assez questionnée et optimiser de façon intelligente des données dont la qualité est une question, ça ne favorise pas le rendement, même s’il y a l’adage que l’IA fait mieux que le hasard !

Algorithmes du fantasme à la réalité -Petit dej IREP – septembre 2017 (1/2)

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Tel était l’objet du second petit déjeuner, organisé par l’IREP (que nous avions le plaisir d’animer). 

Nous avons accueilli, Dominique Cardon, un des plus grands sociologues mondiaux de l’ère du numérique.

Ce billet est le premier de 2 et reprend les propos de Dominique. Le second reprendra les propos de Yannick Carriou, CEO CXP Group.

« Un algorithme (mot arabe, IXème siècle) est une suite d’instructions réglées produisant un résultat. C’est dans le code informatique, mais ce n’est pas tout le code informatique. » Dominique Cardon Medialab Sciences Po.

Quelle vision de la société sort des calculs faits par les algorithmes ?

« La prédiction personnalisée est un vrai changement de paradigme » Dominique Cardon Medialab Sciences Po

Les algorithmes de classement de l’information sur le web ne sont qu’une petite partie des algorithmes qui existent mais sont intéressants par ce qu’ils montrent de notre société. Ils peuvent être classés en 4 familles qui sont, aujourd’hui, constamment coprésentes : popularité, autorité, réputation et prédiction.

 

  A côté Au-dessus Dans Au-dessous
Exemples Mediametrie // Net Ratings, Google Analytics, affichage publicitaire digital PageRank de GooglE, Digg, Wikipedia Nombre d’amis, Facebook, retweet de Twitter, notes et avis Recommandations Amazon, publicité comportementale
Données Vues Liens Likes Traces
Population Echantillon représentatif Vote censitaire, communautés Réseau social, affinitaire, déclaratif Comportements individuels implicites
Forme de calcul Vote Classements méritocratiques Benchmark Machine learning
Principe POPULARITE AUTORITE REPUTATION PREDICTION

In Dominique Cardon, A quoi rêvent les algorithmes, la république des idées, Seuil, 2015

Ce qui occupe le monde aujourd’hui, c’est la dernière famille, la prédiction personnalisée. Cette famille est un vrai changement de paradigme, de statistiques, des types de données mobilisées (données publiques, liens hypertexte, partages, like…). Ici, on utilise des données implicites, les traces des internautes, traces de navigation, géolocalisations, … tout ce que peuvent apporter les capteurs aujourd’hui.

Le mesureur dans cette classification ?

« Le rêve de Google a toujours été d’être invisible de l’internaute » Dominique Cardon, Medialab Sciences Po

Cette classification montre que la position du calculateur a, elle aussi, changé: « À côté » , « au-dessus » ,  « dedans » et « en-dessous »

Au-dessus

Le rêve de Google a toujours été d’être invisible de l’internaute (ne pas montrer les calculs) car il prétend mesurer des signaux et faire une prédiction à partir de signaux que les webmestres s’envoient entre eux (liens hypertexte) sans que les webmestres n’agissent en fonction de celui qui les observent du dessus.

Cette vision d’observation du monde (l’instrument qui observe, n’agit pas sur le monde qu’il mesure) est un peu naïve, car les webmestres agissent en fonction de l’instrument qui le mesure. La grande crise du PageRank en 2007-2012 vient de là (Pour compléter votre information voir ici )

« Dedans »

A l’opposé, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, …) qui sont DANS la donnée, ont montré les calculs et ont donné à TOUS la possibilité de calculer. Tout le monde peut agir et devenir stratège. La conséquence de ceci a été la forte baisse de qualité de la donnée (achat de faux likes…). Ce qui n’empêche pas les données des réseaux sociaux d’avoir d’autres significations.

« En dessous »

Comme la prévision ne fonctionne pas avec le web social (élections, succès commerciaux de films…), pourquoi ne pas aller chercher des traces en dessous, sous la conscience des utilisateurs ?

C’est le grand mouvement actuel dit « l’intelligence artificielle » (l’IA) qui, d’ailleurs, n’est pas de l’IA mais du machine learning. On peut régler les calculs d’une mesure en fonction d’un objectif supervisé qui est toujours une mesure d’utilité (« Qui passe le plus de temps à scroller la page FB » … « que l’on ait de l’up-selling dans la recommandation commerciale », « qui clique le premier », …). L’objectif sert à recalculer les paramètres des données qui vont être présentées de façon de plus en plus personnalisée à l’utilisateur.

C’est un nouveau régime qui se met en route, le calcul n’est plus le même pour tout le monde et le réglage du calcul ne se fait pas en fonction des intentions du calculateur mais en fonction des traces des individus.

 

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