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Un énorme changement dans notre société est en train de se produire, le vieillissement de la population, il était important de faire le point avec une experte du sujet Hélène Xuan (Economiste, Université Paris Dauphine, ex déléguée générale de la chaire « transitions économiques, transitions démographiques » et fondatrice de Mootando) et d’en voir les conséquences dans le métier de la communication avec Olivier Altmann (Co-fondateur, CEO et CCO d’Altmann+Pacreau) .

Du point de vue sociétal – Hélène Xuan

Les plus de 60 ans représenteront 30% de la population dans les 5 ans à venir. La société bascule d’une société du vieillissement à une société de la longévité. On passe d’une société où le cycle de vie est organisé avec un cycle ternaire (schématiquement, enfant / ado, actif, retraité) à un glissement vers la longévité, un allongement de l’espérance de vie par le haut qui est un phénomène nouveau. Le gain de mortalité, aujourd’hui, est majoritairement concentré sur les plus de 50 ans et non plus sur les enfants. C’est un changement radical, un changement de perspective. A 50 ans, une nouvelle période de vie s’ouvre avec de nouvelles valeurs, de nouveaux modes de vie. Les transitions ne sont plus, uniquement, entre le passage de l’adolescence à la vie adulte, ou de la vie adulte à la vie de « retraité ». C’est un changement radical en termes d’organisation de mode de vie qui impacte profondément, par exemple, le marché du travail, de la protection sociale, de l’éducation.

Ce phénomène de longévité est observable dans tous les pays développés, et ce gain en matière d’espérance de vie est concentré sur les plus de 50 ans. Cela ne s’est jamais passé dans l’histoire de l’humanité de se retrouver, à 60 ans, en très bonne santé, à se demander ce que l’on va faire des 25 années qui restent à vivre !

Si l’on prolonge ces tendances, cela signifie qu’un enfant sur deux né aujourd’hui sera peut-être centenaire, et qu’1/4 des actuels quinquagénaires vont devenir centenaires !

Même si le phénomène est connu depuis les années 60, le fait de l’appréhender concrètement et de façon massive avec une population de plus de 50 ans grandissante, a nécessité un certain temps d’assimilation pour en percevoir les véritables conséquences économiques. Les projections économiques sur le système de retraite ont apporté, dès 1993, la première réforme de celui-ci. Grâce à la réforme, le système de retraite est, aujourd’hui, presque équilibré, même si les réflexions et les débats vont perdurer.

La difficulté porte sur les générations transitoires comme le passage entre la vie active et la retraite, ou le passage de la fin du système scolaire à la période de vie active. Ces deux périodes de vie sont longues et durent plus de 5 ans. Les politiques menées sont encore très ternaires, on finit ses études et l’on travaille, on s’arrête de travailler et on part en retraite directement. Or, depuis les années 80, nous savons que cela ne se passe pas exactement comme ça !

Les phases de transitions sont de plus en plus longues avec des périodes de chômage, notamment chez les jeunes avant d’entrer vraiment dans le marché du travail, mais aussi chez les seniors qui vivent souvent des fins de vie active accidentées avec la création de multi-activités et de multiples statuts.

On a donc deux générations pivot qui vivent à la fois la difficulté de l’entrée dans la vie active d’une part, et d’autre part l’allongement de l’espérance de vie dans un système qui n’a pas encore intégré ces mutations.

Les 25-30 ans constituent la première génération de transition. Le schéma classique « installation directement dans la vie active » à la fin des études n’existe plus. Cette période où ils s’installent est devenue très longue. Ils passent par des phases d’expérimentation, des allers-retours sur le marché du travail, ils se cherchent.

En fin de vie active, entre 55 et 65 ans, on a la deuxième génération de transition. Il se passe la même chose que pour les jeunes, une zone de creux. L’âge légal de départ de 62 ans va devenir de plus en plus faux puisque va y avoir un alignement de l’âge de départ en retraite en fonction de l’année de naissance. Cette individualisation va permettre la création de zones de vie différenciées.

Communication des marques – Olivier Altmann

Même si les articles, les informations existent, les marques ont une obsession de la jeunesse.

Certes, il y a un business pour les gens plus âgés, avec le tourisme dont le boom des croisières, ou les sociétés de services d’aide à la personne. Pour ces marchés, la communication est souvent dédiée, assez ciblée. Mais l’essentiel des stratégies de marques est orienté vers le rajeunissement de la cible. Ce rajeunissement peut passer de 55 à 45 ans par exemple.

Le digital accélère le ciblage vers des populations plus jeunes. En effet, les moyens de communication se digitalisant, ceux qui maîtrisent le digital sont digital native, et de fait les jeunes sont les plus ciblés. De plus, un directeur marketing ou de la communication qui a plutôt entre 40 et 50 ans, a peur aussi d’être dépassé, déclassé, « ringardisé », de ne plus être en phase avec ses consommateurs, ce qui accentue sa pression pour s’orienter vers les cibles jeunes, et ce parfois au détriment d’actions auprès de consommateurs fidèles qui peuvent l’être encore plusieurs années. Dans les faits, il y a très peu de plans médias ou de stratégies de communication qui jouent sur cette longévité.

Le secteur automobile en est un bon exemple. Les spots publicitaires mettent souvent en scène des jeunes couples de 25 ans alors que ceux qui peuvent réellement acheter des voitures neuves ont plutôt 55 ans.

Un nouveau phénomène apparaît en contradiction avec la longévité, c’est sur le moindre désir de possession du neuf, ou un mode d’achat plus temporaire qui est lié soit à des postures de consommation, soit à des contraintes en termes de pouvoir d’achat. À une période de surconsommation, succède aujourd’hui une période de consommation plus responsable, une quête de sens, de réalisation personnelle en particulier auprès des plus âgés.

 

La suite du compte rendu est réservé aux membres de l’IREP ou aux personnes ayant assistées à ce petit déjeuner IREP